Vivre à Londres

samedi 24 octobre 2020

Borough market for ever

Les mesures de restrictions envahissent notre quotidien. Pas facile de parler d'autre chose.
Ces vacances qui commencent s'annoncent britanniques, car la France n'est pas accessible depuis le Royaume sans quarantaine au retour. 
Dans mes priorités, j'ai prévu (le matin même) une escapade à Borough Market. Et quelle chance, il fait beau.
Ce lieu dédié aux produits de qualité des quatre coins du monde s'est installé dans d'anciennes usines entre les voies ferrées de London Bridge, dans les années 90 après une longue histoire qui remonte au Moyen âge. 
Depuis, les fidèles enseignes sont toujours là (le café britannique Monmouth et le fromager Neals'yard Dairy, l'épicerie espagnole Brindisa, le restaurant de poisson Fish et une multitude de producteurs et artisans indépendants). 
Repaire de bons vivants, contrairement aux marchés français, on y voit des amoureux de la bonne chère y déjeuner sur place et à toute heure. 
En cette période d'incertitudes pour les commerces et en particulier pour les restaurateurs, je me dirige vers le marché avec l'ombre de la crise en tête, masquée comme tout le monde (sauf ceux qui mangent). Et, surprise, je retrouve l'énergie du marché sans la foule. L'ambiance unique qui la caractérise est toujours là.
Je perçois rapidement que le marché s'adapte aux contraintes. Ici, les restrictions d'appliquent comme partout, mais il règne une certaine décontraction. Disparue la méfiance. 
Au menu, du choix et de la diversité, présentés avec soin et en abondance. 
Toute la créativité, l'esprit novateur et pragmatique de Londres est là, au pied du Shard.
Un autre point d'intérêt du marché attire mon objectif : photographier les passants, comme le "people watching" m'a manqué !
Qui sont ces gens ? Des employés du quartier pendant leur heure de pause ? Pourtant, il y a encore si peu d'entreprises qui encouragent à se rendre physiquement au travail. Sont-ils des londoniens, qui, comme moi, sortent de chez eux après plusieurs mois confinés ? Des étudiants dont les établissements non pas ré ouverts ou des chanceux qui étudient "en présentiel" dans les environs ? 
Ou des touristes ? Ce mot qu'on n'emploie plus. Qui voyage dans la capitale britannique en ce moment ?
Si tu es là, tu viens peut-être d'Australie, de la Barbade, des Bermudes, des Îles Vierges britanniques, de Cuba, de Chypre, toutes ces Iles ! Fidji, Falkland, ou Faeroe, Saint Barthélémy, les Seychelles...Je m'égare avec cette liste.
Aussi, qui est cet homme habillé en rose des pieds à la tête avec un Stetson assorti qui déjeune avec une personne au même look ? Ils sortent d'un bal (masqué) en plein après-midi ?  
J'aimerai m'approcher pour écouter la langue qu'ils parlent. Mais la distanciation est de rigueur. Je profite du spectacle et de mes excellents raviolis frais épinards / pesto.
A Borough Market, le temps est suspendu.

Pafait pour déjeuner et observer
Parfait endroit pour déjeuner et observer

dimanche 11 octobre 2020

Among the trees


C'est en famille et masqués que nous partons à la rencontre de 38 œuvres d'artistes réunis sur le thème de l'arbre.
Une sortie extra ordinaire en grands formats, multiples matériaux et medias, dont les créations viennent des 5 continents. Nous allons voyager et se balader dans la nature !

Cette exposition reportée a finalement ouvert ses portes dans l'espace immense de la galerie Hayward, sur la rive de la Tamise connue sous le nom de Southbank.  
Les expositions repartent après ces 7 derniers mois "en pause", avec quelques mesures de sécurité. 
Among the trees est une exposition immersive, une balade à grande échelle autour d'un vaste sujet essentiel à notre survie. En pleine pandémie sanitaire et crise climatique.
On s'arrête un moment sur une des œuvres grandeur nature composée de 6 écrans, illustrant le mouvement d'un épicéa finlandais, représenté à l'horizontal; un peu comme si l'artiste n'avait trouvé que ce moyen pour faire tenir l'arbre dans la pièce. Le titre  : Horizontal – Vaakasuora en finnois. Au coin en haut à gauche, l'artiste Liisa Ahtila apparaît en manteau bleu, prétexte pour présenter l'échelle de l'œuvre. Avec le peu de visiteurs autour, on se sent face à face avec l'œuvre, dans un silence apaisant. 
Avant la tempête ?
Myoung Hon Li, un photographe coréen, met en scène l'arbre à la manière d'un studio, laissant apparaître l'environnement, comme un portrait de l'espèce qu'il a sélectionné pour sa série sur les arbres.

L'installation d'Ugo Rondinone, artiste suisse connu pour ses œuvres de land art; retient notre attention tant ce moulage immaculé d'un olivier vieux de 2000 ans est spectaculaire. Une tentation offerte aux quelques enfants présents d'y grimper, il invite aussi à une réflexion sur le temps qui passe. 

Juste à côté, beaucoup plus "nu" un tronc sans son écorce est présenté au niveau du sol, assez simplement. On aimerait toucher sa surface lisse...
En fait, le sculpteur japonais Kazuo Kadonaga, a réussi une prouesse technique hautement minutieuse, celle de découper l'arbre en 800 feuilles très fines, pour reconstituer le cèdre original.
Un autre tronc, vertical, est sculpté à l'intérieur, par l'artiste italien Giuseppe Penone Albero Porta - Cedro/Door Tree, comme un arbre dans l'arbre, la volonté de mettre en avant la mémoire de l'arbre.

Nous nous arrêtons devant cet aquarium très singulier. Il y a bien de l'eau à l'intérieur, mais elle n'est pas visible au premier abord. La solution saline et l'éclairage jaune confère une ambiance féérique à cette forêt miniature.

Une conférencière s'approche de nous, (tout en gardant la distance de sécurité) et nous expose les grandes lignes de l'œuvre de l'allemande Mariele Neudecker, ‘And Then the World Changed Colour: Breathing Yellow".

William Kentridge, artiste sud africain, peint à l'encre de chine sur du papier journal.
Pour terminer, nous entrons dans une pièce spécialement dédiée à la création numérique de Jennifer SteinkampBlind Eye, offre sur 15 mètres l'évolution d'une forêt de bouleaux au travers des saisons en 3 mn. 
A l'extérieur de la galerie, "Rhododendronune photo de la photographe germano ghanéenne Zohra Opoku. Et un portrait de famille !


samedi 3 octobre 2020

London, today.

Sept mois sans prendre les transports en commun pour aller voir ce qui se passe hors du quotidien.
C'était long. 
J'ai bien été tentée par les images d'un Londres vide pendant tous ces mois, mais j'ai remis tous les projets à plus tard. Depuis quelques temps, l'essentiel doit être repensé. Les loisirs ne sont plus dans les priorités. 
Ce samedi, la grisaille est au rendez-vous mais la joie de retrouver certains quartiers est là. 
Redécouvrir des scènes de vies, sans les touristes, comme si Londres n'était maintenant qu'accessible aux londoniens. La Manche nous sépare du reste de l'Europe, où chaque visiteur doit respecter une quatorzaine. Evidemment aucun groupe de jeunes ados en visite scolaire, ni de touristes. Tout est calme, mais pour combien de temps ?
Toutes sortes de sentiments apparaissent. La ville qu'on a connue avant (l'épidémie, le vote en faveur du Brexit) est différente, mais comment savoir si c'est temporairement ou indéfiniment. 
Je m'arrête devant toutes les injonctions que je croise : 

"Mind the gap", un classique, que j'affectionne particulièrement

"Wear a face covering" au cas où l'information ne serait pas passée.

"Have fun today" avec des personnages qui ressemblent à ceux de Keith Haring.

C'est parti pour l'option numéro 3 : have fun today.

Toujours des idées pour faire manger les gens à toutes heures, mais de plus en plus sainement, avec ce bus à impériale et sa terrasse sur le toit pour déguster une petite glace au yaourt sous un arc en ciel.
Grand choix de cuisines du monde avec marché de street food, offrant les traditionnels fish n'chips et plats indiens, bars à jus et même le stand de Mulled Wine de retour !
Toutes ces couleurs éclatantes sont encore plus marquées sous le ciel gris menaçant. On aperçoit un peu partout des portraits d'hommes et de femmes mis en lumière pendant ces temps de pandémie, hommage d'artistes aux travailleurs de la NHS. 
Un mois d'école et toujours pas confinés. On croise les doigts.

samedi 5 septembre 2020

Lockdown vs self isolation : le confinement et la quatorzaine vus par une famille française de Londres

De nombreux mots ont fait leur apparition depuis quelques mois. Aussi bien linguistiquement qu'en matière de santé publique, le confinement et le lockdown n'ont pas été vécus de la même manière sur le continent et les îles britanniques. 

D'ailleurs, même au Royaume-Uni, les stratégies étaient différentes, avec un ministre de la santé dans chaque pays, Irlande du Nord, Ecosse, pays de Galles. Pendant ces trois mois de confinement anglais (assez fantaisiste, comme d'habitude) la vie était ici plus facile, avec des sorties sans autorisations écrites, et peu limitées. L'accès aux magasins était bien organisé, le pays étant champion du monde de la file d'attente. Comme Boris Johnson aime se démarquer, deux mètres sont imposés de distanciation sociale, entraînant des records autour des supermarchés dès potron minet (à la maison, on utilise les plus belles expressions françaises, c'est toujours ça de gagné sur la pratique du français). 

En août, au cœur des vacances dans notre pays de villégiature favori, l'annonce d'une quatorzaine imposée à 500 000 voyageurs hors du Royaume fait l'effet d'une douche froide. Il y a à peine 48 heures pour s'organiser, les transports sont pris d'assaut et les prix flambent.

Deux stratégies se mettent en place chez nos compatriotes : ceux qui ne veulent pas renoncer à leurs vacances et ceux qui sentent que les 14 jours cloîtrés à la maison risquent de leur coûter cher moralement (et une troisième qui est bien-sûr celle de ne pas faire la quatorzaine, tout naturellement).

Nous décidons de ne pas passer la nuit à risquer un échec pour traverser la Manche avant 4h du matin et profiter d'un dernier week end en famille. Pas sûr qu'on puisse se voir à Noël...

Pendant ce temps d'isolement volontaire forcé, j'ai eu du temps pour revenir sur ces deux temps qui ont généré des sentiments opposés. 

L'annonce :

En Mars, toute l'Europe est confinée mais pas le Royaume Uni, qui regarde de l'autre côté de la Manche sans rien mettre en place (comme la rage qui n'est jamais entrée sur le pays, le Covid s’arrêtera à Calais). Nous avons le temps de préparer le confinement côté projets de rénovation,  pour repeindre quelques pièces, et se procurer de la farine en quantité pour le boulanger de la maison.

En Août, les vacances sont prévues à la dernière minute, les billets annulés, échangés, puis réservés de nouveau sont un précieux sésame pour accéder à notre douce France. A nous les marchés, les paysages familiers, la famille et les amis. L'annonce faite à 23h un jeudi, veille du WE du 15 Août nous ramène les pieds sur terre : vivre sur cette île devient de plus en plus difficile logistiquement et psychologiquement.

L'explication : dans le premier cas, en mars, comme le monde entier a pu le constater, Boris et sa troupe n'ont pas pris la mesure de la pandémie. En août, il attend d'aller rendre visite à son père en Grèce pour ensuite rajouter ce pays à la liste soumis à la quatorzaine... 

Quartier piétonnier pendant le WE

 Au quotidien à la maison :

En Mars, tout le monde se plie aux consignes d'isolement, et "attend" le lockdown avec impatience, la lenteur de l'annonce génèrent des tensions entre les passants et de grosses interrogations. Les idées ne manqueront pas pour s'occuper à la maison, toutes les séances de sport à distance sont accessibles (sauf pour nous la natation), la cuisine est transformée en boulangerie, le bureau en classe d'école et le jardin en cours de récréation. Entre voisins, les liens se créent par-dessus les clôtures et tous les jeudis à 20h, on découvre enfin le visage de tous ceux qui nous entourent (c'est l'heure des applaudissements en soutien du NHS). Les 8 semaines à la maison permettent de faire un petit potager, enrichir le français des enfants, notamment par le visionnage de certains films cultes français. 

En Août, on espérait des vacances paisibles en passant entre les gouttes et un retour à un peu d'insouciance. De retour à Londres précipitamment (mais pas assez pour éviter la quatorzaine) où le temps n'est plus au beau fixe, il faut rester à la maison sans même pouvoir sortir le chien (qu'on n'a pas). Avec la pluie, on regrette l'été et les activités de plein air. On imagine tout ce qu'on pourrait faire dans Londres ou ailleurs, pendant que tout le monde vit normalement. Il y a même cette mesure du gouvernement qui nous reste au travers de la gorge : pour aider les restaurants à reprendre leur activité , chaque client reçoit une réduction de £10 sur son repas du midi du lundi au mercredi. Les mesures de distanciation sociale et la volonté de rendre piéton certains axes font que certaines terrasses se sont étendues sur les rues. 


La sortie du confinement :  

En Juin, très peu d'entre nous reprend le travail, sauf les personnes considérées comme key workers, essentielles à la vie du pays. Les enseignants en font partie - ils deviennent à leur tour d'autres héros invisibles jusque-là. Nos projets professionnels nous ont porté pendant ce confinement et la contrainte de l'enseignement à distance a développé notre créativité. Les écoles maternelles et primaires ont doucement repris et la joie d'être ensemble avec mes petits élèves a été un moment unique dans ma carrière, même avec un masque sur la moitié du visage.

En Août, le temps est suspendu pendant 14 jours, quatorzaine oblige, les journées sont longues, sans pouvoir sortir même pour faire des courses. On entend parler de contrôles par téléphone (réels), d'amendes de £1000 pour ceux qui ont payé avec leur carte bancaire (fantasme?) et il est même question de dénonciation de voisins. Rien à voir avec l'élan de solidarité pendant le lockdown, où un groupe whatsapp de rue est créé pour s'entraider.

La fin des vacances à la maison est une suite de jours identiques marquée par un certain manque de structure et d'envies. Les vacances sont finies, les murs ont été repeints, les livres n'ont plus le même attrait. La rentrée approche et les enfants attendent le signal pour sortir enfin voir des amis, dont certains pas vu depuis l'arrêt de la classe (l'école n'a pas repris en secondaire). Les chaussures d'école rangées depuis Mars sont devenues trop petites, comme le reste de l'uniforme - si peu usé - il faudra aller faire la queue pour s'équiper, le seul weekend qui reste avant la rentrée des classes. 

La libération a enfin eu lieu, comme le montrent ces photos. Et le soleil est de retour ! 

En fonction des membres de la famille, il y a urgence à sortir. On observe tout ce qui a changé, ce qui est toujours là. Retrouver des repères et refaire des projets, localement, on ne pense pas aux prochaines vacances. Beaucoup trop tôt.