samedi 5 septembre 2020

Lockdown vs self isolation : le confinement et la quatorzaine vus par une famille française de Londres

De nombreux mots ont fait leur apparition depuis quelques mois. Aussi bien linguistiquement qu'en matière de santé publique, le confinement et le lockdown n'ont pas été vécus de la même manière sur le continent et les îles britanniques. 

D'ailleurs, même au Royaume-Uni, les stratégies étaient différentes, avec un ministre de la santé dans chaque pays, Irlande du Nord, Ecosse, pays de Galles. Pendant ces trois mois de confinement anglais (assez fantaisiste, comme d'habitude) la vie était ici plus facile, avec des sorties sans autorisations écrites, et peu limitées. L'accès aux magasins était bien organisé, le pays étant champion du monde de la file d'attente. Comme Boris Johnson aime se démarquer, deux mètres sont imposés de distanciation sociale, entraînant des records autour des supermarchés dès potron minet (à la maison, on utilise les plus belles expressions françaises, c'est toujours ça de gagné sur la pratique du français). 

En août, au cœur des vacances dans notre pays de villégiature favori, l'annonce d'une quatorzaine imposée à 500 000 voyageurs hors du Royaume fait l'effet d'une douche froide. Il y a à peine 48 heures pour s'organiser, les transports sont pris d'assaut et les prix flambent.

Deux stratégies se mettent en place chez nos compatriotes : ceux qui ne veulent pas renoncer à leurs vacances et ceux qui sentent que les 14 jours cloîtrés à la maison risquent de leur coûter cher moralement (et une troisième qui est bien-sûr celle de ne pas faire la quatorzaine, tout naturellement).

Nous décidons de ne pas passer la nuit à risquer un échec pour traverser la Manche avant 4h du matin et profiter d'un dernier week end en famille. Pas sûr qu'on puisse se voir à Noël...

Pendant ce temps d'isolement volontaire forcé, j'ai eu du temps pour revenir sur ces deux temps qui ont généré des sentiments opposés. 

L'annonce :

En Mars, toute l'Europe est confinée mais pas le Royaume Uni, qui regarde de l'autre côté de la Manche sans rien mettre en place (comme la rage qui n'est jamais entrée sur le pays, le Covid s’arrêtera à Calais). Nous avons le temps de préparer le confinement côté projets de rénovation,  pour repeindre quelques pièces, et se procurer de la farine en quantité pour le boulanger de la maison.

En Août, les vacances sont prévues à la dernière minute, les billets annulés, échangés, puis réservés de nouveau sont un précieux sésame pour accéder à notre douce France. A nous les marchés, les paysages familiers, la famille et les amis. L'annonce faite à 23h un jeudi, veille du WE du 15 Août nous ramène les pieds sur terre : vivre sur cette île devient de plus en plus difficile logistiquement et psychologiquement.

L'explication : dans le premier cas, en mars, comme le monde entier a pu le constater, Boris et sa troupe n'ont pas pris la mesure de la pandémie. En août, il attend d'aller rendre visite à son père en Grèce pour ensuite rajouter ce pays à la liste soumis à la quatorzaine... 

Quartier piétonnier pendant le WE

 Au quotidien à la maison :

En Mars, tout le monde se plie aux consignes d'isolement, et "attend" le lockdown avec impatience, la lenteur de l'annonce génèrent des tensions entre les passants et de grosses interrogations. Les idées ne manqueront pas pour s'occuper à la maison, toutes les séances de sport à distance sont accessibles (sauf pour nous la natation), la cuisine est transformée en boulangerie, le bureau en classe d'école et le jardin en cours de récréation. Entre voisins, les liens se créent par-dessus les clôtures et tous les jeudis à 20h, on découvre enfin le visage de tous ceux qui nous entourent (c'est l'heure des applaudissements en soutien du NHS). Les 8 semaines à la maison permettent de faire un petit potager, enrichir le français des enfants, notamment par le visionnage de certains films cultes français. 

En Août, on espérait des vacances paisibles en passant entre les gouttes et un retour à un peu d'insouciance. De retour à Londres précipitamment (mais pas assez pour éviter la quatorzaine) où le temps n'est plus au beau fixe, il faut rester à la maison sans même pouvoir sortir le chien (qu'on n'a pas). Avec la pluie, on regrette l'été et les activités de plein air. On imagine tout ce qu'on pourrait faire dans Londres ou ailleurs, pendant que tout le monde vit normalement. Il y a même cette mesure du gouvernement qui nous reste au travers de la gorge : pour aider les restaurants à reprendre leur activité , chaque client reçoit une réduction de £10 sur son repas du midi du lundi au mercredi. Les mesures de distanciation sociale et la volonté de rendre piéton certains axes font que certaines terrasses se sont étendues sur les rues. 


La sortie du confinement :  

En Juin, très peu d'entre nous reprend le travail, sauf les personnes considérées comme key workers, essentielles à la vie du pays. Les enseignants en font partie - ils deviennent à leur tour d'autres héros invisibles jusque-là. Nos projets professionnels nous ont porté pendant ce confinement et la contrainte de l'enseignement à distance a développé notre créativité. Les écoles maternelles et primaires ont doucement repris et la joie d'être ensemble avec mes petits élèves a été un moment unique dans ma carrière, même avec un masque sur la moitié du visage.

En Août, le temps est suspendu pendant 14 jours, quatorzaine oblige, les journées sont longues, sans pouvoir sortir même pour faire des courses. On entend parler de contrôles par téléphone (réels), d'amendes de £1000 pour ceux qui ont payé avec leur carte bancaire (fantasme?) et il est même question de dénonciation de voisins. Rien à voir avec l'élan de solidarité pendant le lockdown, où un groupe whatsapp de rue est créé pour s'entraider.

La fin des vacances à la maison est une suite de jours identiques marquée par un certain manque de structure et d'envies. Les vacances sont finies, les murs ont été repeints, les livres n'ont plus le même attrait. La rentrée approche et les enfants attendent le signal pour sortir enfin voir des amis, dont certains pas vu depuis l'arrêt de la classe (l'école n'a pas repris en secondaire). Les chaussures d'école rangées depuis Mars sont devenues trop petites, comme le reste de l'uniforme - si peu usé - il faudra aller faire la queue pour s'équiper, le seul weekend qui reste avant la rentrée des classes. 

La libération a enfin eu lieu, comme le montrent ces photos. Et le soleil est de retour ! 

En fonction des membres de la famille, il y a urgence à sortir. On observe tout ce qui a changé, ce qui est toujours là. Retrouver des repères et refaire des projets, localement, on ne pense pas aux prochaines vacances. Beaucoup trop tôt.