lundi 24 février 2014

L'école anglaise mode d'emploi !

Première rencontre avec la Lolli pop lady !
L'école primaire française est un vieux souvenir depuis le temps que je l'ai quittée. La perspective de permettre à mes enfants de connaître une école différente m’enchantait.
Aujourd'hui, après 4 rentrées scolaires et un article sur les + et les -, je propose de retracer le chemin parcouru depuis la question posée par notre fille : on rentre quand ? après quelques mois passés dans sa nouvelle école.
Nos enfants parlent deux langues, ce qui donne lieu à de nombreuses anecdotes linguistiques et identitaires. La traversée de la Manche suffit à les remettre dans le bain de leur langue maternelle - et de notre côté du Channel, il faut lutter pour conserver un français correct à la maison. Un comble quand on entend toutes les copines de France chercher des séjours linguistiques.
Au départ, les différentes options qui s'offrent aux candidats à l'expatriation sont assez complexes : école anglaise, française, bilingue, publique, privée (pour la nursery uniquement, l'état participe aux frais pour les enfants à partir de leur quatrième année, Early Year grant). L'entrée à l'école à temps plein se fait uniquement à l'âge de l'entrée en Reception, entre 4 et 5 ans...Les structures d'accueil avant cet âge-là sont nombreuses (nursery, playgroups), mais privées donc chères et/ou n'accueillent les enfants que quelques heures. Les mamans françaises déchantent !

1.Les préparatifs : le casse-tête
Préparer son installation en Grande Bretagne nécessite de faire un choix d'enseignement. L'éducation anglaise m'attirait autant pour la langue que pour la pédagogie. Il a fallu bien identifier les écoles publiques des quartiers que nous avions retenus (rapports des inspections disponibles en ligne, les fameux OFSTED reports) et ensuite trouver un logement dans la "catchment area" - zone calculée à vol d'oiseau entre votre domicile et l'école, à peine 200 mètres dans certaines écoles !
Pour m'aider dans ma recherche, j'avais un livre de chevet que j'ai lu et relu L'expat Guide. Grâce à sa présentation par quartier, j'ai pu me repérer dans Londres, évaluer les coûts, pour ensuite préparer une visite sur place, avec différents rendez vous dans les écoles/nursery de mon choix.
Les visites m'ont immédiatement séduite.
De salle en salle, je découvrais des enfants qui jouaient dans un orchestre, faisaient du sport, évoluaient dans des classes très décorées, un piano dans le hall...Les enfants français étaient sollicités pour nous faire la visite et on sentait que les enfants prenaient la parole avec beaucoup d'assurance. Les récits des parents qui évoquent comment leurs enfants se sont épanouis dans la chorale ou dans la comédie musicale de fin d'année; tout cela était très encourageant.
Objectif : ne pas paniquer !

Spectacle de la classe de Nursery à l'occasion des JO

2.Bienvenue dans une communauté :
Pour une petite fille de presque 6 ans ne parlant pas un mot d'anglais, l'accueil des enfants de la classe fut étonnant, les uns se proposant de l'aider, d'autres l'invitant à jouer (les fameuses playdates), puis au fur et à mesure se réjouissant de ses progrès pour s'exprimer ! Well done mummy fut les premiers mots qu'elle utilisa à la maison. En revanche, pour les enfants plus âgés, les premiers mois peuvent être éprouvants. Sans parler la langue, les enfants sont "coupés" du reste du groupe et ont du mal à retrouver le même niveau de "socialisation" qu'avant.
Leur classe fonctionne comme une communauté : les élèves entrent en Reception (Grande section/CP) et ne quittent pas le groupe avant l'entrée en 6ème. Au début, c'est merveilleux toute cette cohésion des parents et des enfants ! Les parents délégués sont chargés de créer des événements pour se rencontrer, comme par exemple, le matin, après avoir déposé les enfants, rendez vous au coffee morning chez l'un d'entre eux. Très important au début pour s'infiltrer dans cette nouvelle culture scolaire !
Du côté des maîtresses, jamais un mot négatif et bien-sûr pas de notes, à peine quelques évaluations à certains moments de la scolarité. Au contraire, on apprend ensemble, et on gagne des "house points" pour son groupe inter-classes et qui deviennent autant de "temps de jeu"en plus.
Objectif : comprendre les codes

3. Apprendre le français aussi
Pour les enfants français de Londres, le CNED propose la formule Royaume Uni qui peut être un moyen de suivre une scolarité dans leur langue maternelle. Certains quartiers ont des "petites écoles" le samedi qui proposent des cours de 9h à 12h. Nous avons choisi un regroupement au sein de l'école (rare) qui propose deux fois trois heures par semaine, après la journée (temps scolaires 9h/15h30 du lundi au vendredi). Le groupe est animé par des "accompagnateurs" enseignants qui assurent les cours du CNED, reste à envoyer les devoirs et suivre à la maison un programme parfois peu adapté aux enfants vivant à l'étranger.
Dès l'inscription en ligne, on y perçoit la complexité administrative propre aux institutions françaises. La motivation de nos petits bilingues est aussi forte que le désespoir des parents devant le site ou, plus tard, lors de l'enregistrement des fichiers oraux (des poésies, par exemple)...Apprendre sa langue maternelle à distance n'est pas long fleuve tranquille quand on y ajoute la scolarisation en anglais, les devoirs dans les deux langues, sans compter les méthodes d'apprentissages différentes (voir ici comment on apprend à lire par les sons associés aux gestes).


4.Les différences culturelles
Et puis, comme dans tous les systèmes, on apprend à décoder les us et coutumes. Les groupes de niveaux, les devoirs adaptés à chaque groupe, les tuteurs privés dès le CE2, la compétition est bel et bien présente. De nombreux certificats sont remis aux enfants,  des titres honorifiques à la pelle comme le super speller, (champion en orthographe) star of the week...Pour favoriser l'apprentissage d'une belle écriture (nouveau dada dans les programmes cette année), il y a le pen licence, le droit d'écrire avec un stylo plume; les bons comportements sont listés sur des smiley face board, l'enfant méritant devient la star of the week...Toutes ces récompenses mettent en avant les progrès d'un enfant ou ses réussites sportives et artistiques. On cherche à encourager toutes sortes de compétences, ce qui est très différent de l'esprit français, qui reste plus axé sur les matières académiques.
L'école publique de notre quartier a la particularité d'être dirigée par un directeur et un comité de parents, une grosse différence, par rapport à l'école de mon enfance ! Il y a régulièrement des questionnaires pour connaître l'avis des parents. Ils sont aussi très sollicités pour récolter des fonds - tout en s'amusant (première fois qu'on nous propose un verre de vin pour la réunion de parents !).
L'école est un lieu social. Les parents délégués des classes organisent leur "fundraising event" ayant lieu dans le bâtiment et ils ont  beaucoup de succès. Les parents ont leur mot à dire et un rôle pendant les temps scolaires, nombreuses propositions de volontariat pour aider à la lecture ("parrainage" d'un enfant chaque semaine, le reading partner) ou pour l'enseignement du français dans la classe de votre enfant. Il faudra d'ailleurs remplir le formulaire de vérification de votre casier judiciaire CRB (Criminal Records Bureau)...Toujours basé sur le principe du volontariat, on peut participer sous forme de gâteaux vendus lors des cakes sales...etc.Tous ces événements ayant lieu pendant ou après l'école, sont annoncés dans une newsletter rédigée par le directeur mensuellement ou par la maîtresse chaque semaine, les participations à tous les événements sportifs, caritatifs, sorties éducatives de la classe, sans oublier les parents'drinks, les mums' evenings...
Objectif : à vos agendas !

5.La même classe pendant 7 ans :
La communauté devient trop contraignante pour certains enfants : comment évoluer sainement dans un même groupe d'enfants ?
Si la classe évolue au grès des départs et des arrivées de certains élèves (qui déménagent hors de Londres ou qui partent pour des écoles privées), il reste la majorité des enfants, ce qui n'est pas sans poser certaines difficultés d'entente entre filles...
Le rapport avec l'enseignant : toujours courtois, celui-ci n'hésite pas à vous féliciter aussi, bonne mère attentive aux petits soucis de votre enfant, à vous remercier mille fois d'avoir accepté de venir échanger sur votre enfant qui a eu une attitude inappropriée, comme cette fois où la maîtresse était en pyjama (pour pyjama day) pour évoquer un cas de "bullying" de votre enfant contre un autre enfant - les moqueries sont très mal vues à l'école anglaise.
Objectif : garder son sérieux. Prendre RV avec les enseignants en dehors des 10mn réglementaires des Parents'evenings et poser des questions.

6.La place de l'enfant :
Les relations conflictuelles sont traitées avec sérieux, aussi pour le parent français qui aurait tendance à banaliser, il y a quelques surprises dans la gestion des conflits. Les golden rules sont affichées et connues de tous. L'accent n'est pas mis sur les mêmes choses, ici, on fait appel à l'autogestion, l'autorégulation et la médiation. L'enfant qui est pris en faute, (gestes agressifs ou mots déplacés), doit rédiger une lettre d'excuses. Il reçoit bien-sûr des "punitions", pas de lignes à écrire, plutôt des detentions. Horreur ce mot pour nous les parents français !
Dans la cour de récréation, il y a le frenship bench, pour celui ou celle qui a du mal à trouver un ami. Pour ceux qui veulent lire au rester au calme, un espace leur est reservé, silent area.
Les playground champions, des enfants plus âgés, sont nommés médiateurs et sont disponibles pour aider à régler les conflits.
De retour dans la classe, les enfants remplissent leur formulaire spécial pour le temps de récréation. Ils inscrivent la date, colorie le visage "content, pas content, moyen", avec qui ils ont joué...Aussi, en cas de conflits, les enfants peuvent visualiser sur le tableau si leurs difficultés sont passagères ou installées.
L’enseignant met à disposition la worry box pour faire part des problèmes qu'on rencontre.
Les enfants sont souvent appelés à proposer des solutions eux-mêmes, comme ce concours lancé par le conseil d'école pour améliorer les déplacements dans les couloirs. Les enfants qui le souhaitent peuvent créer une affiche invitant les élèves à marcher en ligne du côté gauche.
Slogan de notre Jeannette, gagnante du concours : "Don't be silly, go slowly" avec des escargots qui gravissent les marches.
Objectif : être créatif (toute la famille). Savoir communiquer avec l'enseignant/ directeur/parents.
Kew Gardens 2011

7 commentaires:

  1. C'est très différent et on devrait en prendre de la graine, même si tout n'est sûrement pas rose non plus outre-Manche !

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  2. C'est en voyant les photos qu'on réalise que vous êtes partis depuis un petit bout de temps

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  3. Effectivement, nous avons nous aussi quelques petits problèmes de français à la maison, mais finalement, on en rigole et on essaie de ne pas les reprendre tout le temps.
    En tous cas, tu résumes bien le système je trouve.

    J'espère que mes filles ne seront pas trop chamboulées si jamais on est amené à quitter le UK... je pense que l'école française leur ferait un choc!

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  4. Tu ne dis pas ce que tu fais pour le français, le CNED ?

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  5. merci pour tous ces détails - une atmosphère vraiment différente, mais dont beaucoup d'aspects me font penser aux écoles Steiner, avec leur bon côté mais aussi leurs difficultés.
    En tous cas tes enfants en sont certainement enrichis, et vous aussi !
    bises
    Anne D.

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  6. Un post très bien rédigé comme toujours avec une pointe d'humour je dirais presque anglaise!
    Chez nous l'école n'a pas pu être publique et du coup je retrouve dans le privé plus de similarités avec l'école française comme les notes et même s'il y a cet esprit de groupe (l'école étant petite c'est sans doute plus facile) et des cours comme le théâtre, le chant, la musique et le sport, l'anglais et les maths (beaucoup de maths) restent les matières clés de la réussite avec la préparation aux 11+... et oui ce qu'il faut expliquer c'est le casse tête chinois des écoles secondaires... il y a les selective grammar school (publiques, sur exam 11+ et ouvertes à tous donc super selectives et toujours unisex), il y a les ex-comprehensives dont certaines deviennent des academy dont de plus en plus sont unisex, il y les plus récentes free schools (écoles montées par des parents et financées par le gouvernement si validées), il y celles qui ne vont que jusqu'au GCSC et celles qui vont jusqu'au A'levels, il y a les technology college (équivalent des lycées techniques) il y a les volontary qui sont des écoles catholiques ou anglicanes (pour les pratiquants uniquement je précise) et bien-sur celles privées car les écoles publiques avec de bons résultats sont tellement rares et difficiles d'accès (sélection ou catchment), que beaucoup d'enfants terminent dans le privé à 15,000€ l'année, gloups. C'est à se demander si tout ceci est vraiment efficace financièrement mais c'est bien là qu'on retrouve l'esprit d'entrepreneuriat et communautaire anglais et le désengagement de l'état. A préciser que ce système est encore différent en Ecosse!!! Indeed. Bises. Corinne

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    1. Merci pour tous ces détails...on a encore du souci à se faire...

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