samedi 16 février 2013

Enfants bilingues / Pros and cons *les pours et les contres*

Les vacances scolaires ont commencé ce matin : un moment idéal pour partager quelques pensées sur un thème, celui du bilinguisme.
Un petit bilan qui s'applique à deux cas en particulier : ci-dessous, les voici qui courent dans le wagon de la Northern Line (photo réalisée peu de temps après leur arrivée).
Installés à Londres depuis presque 3 ans, quelques questionnements surgissent  : quelle est l'influence du pays d'accueil sur leur développement ? Cette culture dans laquelle ils grandissent prend-elle le dessus sur celle de leur pays d'origine ? Si les points positifs paraissent évidents (ouverture d'esprit, connaissance d'une seconde langue, méthodes pédagogiques de l'école britannique) il faut savoir qu'il y a quelques ombres au tableau idyllique de la vie en dehors du continent.
  1. La langue de Molière :
Pour elle : Arrivée à 5 ans et demi, après 3 ans de formatage à l'école maternelle en France, elle s'exprimait bien en français à l'oral, mais elle a du faire face au double apprentissage de la lecture en français et en anglais en même temps avec un an de retard sur les enfants de sa classe anglaise (+Cned après l'école anglaise).
Aujourd'hui, elle utilise des anglicismes comme "j'ai lu sa note" = j'ai lu son message;
"Hier nuit, j'ai regardé cette émission sur la télé" - last night - on TV. Vocabulaire français un peu moins riche qu'un enfant français. 
Pour lui : à son arrivée, il a déjà un retard de langage en français et l'entrée en collectivité en anglais à 3 ans n'améliore pas son niveau. Il dit : ils sontaient pour ils étaient et aussi I goed pour I went. Langue parlée aujourd'hui : franglais. Il n'y a que le milieu familial qui lui transmet le français, on essaie de bien parler !
Bilan :
Pour Jeanne, commencer l'apprentissage de la lecture dans deux langues en même temps a été une lourde épreuve, que je ne recommande pas. Ce choix fut l'occasion de gros conflits pour les devoirs et la lecture à voix haute en français (pas en anglais). Mais aucune confusion entre les deux à l'écrit. Deux écritures : une cursive pour le français, une en script pour l'anglais. 
De son côté, Martin a commencé l'école dans un système scolaire anglophone, c'est une chance unique. Joie d'apprendre par le jeu et l'expérimentation, l’élaboration d'hypothèses; une approche très didactique, comme ces 'hands-on activities' qui laissent un grande part au plaisir de faire par soi-même. Les jeux ou les productions "messy" (nombreux jeux "salissants"), laissent peu d'importance à la forme, comme les fautes d'orthographe, la présentation ou le "rendu". 
Les parents ont la lourde tâche d'aider à progresser dans les deux langues (devoirs plus conséquents). Souvent, un choix s'impose à l'entrée au collège, sauf si on a la possibilité de suivre un système bilingue. S'il n'y a pas de retour prévu au bercail, la question du français est moins contraignante.

     2. L'influence de la culture anglaise / des us et coutumes du pays d'accueil

Pour elle : Elle ne se fait pas aux spaghetti à la sauce tomate en conserve au petit déjeuner de l'école (breakfast club) mais adore le garlic bread !
Elle aime écrire, ce qui est très encouragé à l'école (lettre, recette, portrait, récit, dès le plus jeune âge). Elle rédige un journal intime...en français. Après "enquête", elle m'explique que n'arrivant pas à choisir entre les deux langues, une de ses grandes cousines lui aurait conseillé d'écrire dans la langue où elle est le moins à l'aise pour s'améliorer. 
Elle connaît plus d'éléments sur l'Inde (culture, géographie) que son pays de naissance, la France.
Pour lui : Il adore les spaghetti du breakfast club, la jelly, les beans on toast, se couche à 19h sans problème. Avec son excellente tenue à table, les enseignantes sont en admiration : un reste de bonnes manières "à la française" ? A 5 ans, il est à l'école primaire et déchiffre les sons à base de gestes (méthode Jolly phonics, accessible sur youtube). Pas d'apprentissage en français, il a encore le temps ! 
Bilan : passé la Manche, côté France, ils n'ont plus tellement d'automatismes en anglais. 
Deux manières très différentes d'apprécier la gastronomie anglaise, vous l'aurez remarqué.
Plus tôt ils arrivent, mieux ils apprécient la cuisine locale !  Aussi, ils sont assez "réchauffés" pour des frenchies, ils se passent volontiers de manteau - un signe de bonne intégration !
La communauté de l'école est importante pour eux, il s'y passe de nombreuses activités collectives, comme l'assembly toutes les semaines, qui met en avant un thème qui pousse les enfants à réfléchir sur des valeurs. Des actions caritatives sont proposées par les enfants eux-même, comme cette vente de scoubidous pour lever des fonds contre le cancer. On s'engage très tôt ici.

       3. La pratique de deux langues au quotidien

Pour elle : un accent envié par ses parents, mais "résultats" scolaires mitigés (il n'y a pas de notes ici), il faut du temps pour "rattraper" le niveau d'une communauté de natifs. 
Pour lui : un accent rigolo, mélange entre celui de son copain du Nord de l'Angleterre et d'autres influences non identifiées. Vocabulaire enfantin "easy peasy lemon squeezy" très drôle. Pourvu qu'il ne parle pas comme ça toute sa vie !
Bilan: Leur langue sociale est l'anglais. Mais nous voulons qu'ils s'expriment bien en français, ce qui n'est pas évident tous les jours. Il faut encourager leur intérêt pour l'écrit, d'où leurs abonnements à des magazines français (Le Monde, Astrapi, Pomme d'Api). Cerise sur le gâteau : les émissions de la télé anglaise CBBC sont intéressantes, avec une approche des sciences, de la cuisine, de l'histoire. En français, on a commencé "Il était une fois l'Homme"/ La vie" crée en 1986 - si vous avez des tuyaux sur d'autres émissions intéressantes ? 
Grosse fatigue dans les débuts pour Jeanne, qui a été plongée dans une classe sans parler un mot d'anglais. Elle dit aussi que le premier jour de retour de vacances en France, la journée est plus difficile.
Le subjonctif est une notion totalement étrangère pour eux. Ici, il n'est pas rare que des enfants d'une même fratrie soit scolarisés dans des écoles différentes, certains sont mieux dans le système français, d'autres en bilingue, ou pour quelques uns qui ont des plus grands enfants, le choix du système anglais pour le collège devient naturel (très complexe pour y entrer, il y a là encore plusieurs choix, privé, public, avec différentes sélections...).
Quand le projet devient un choix de vie qui se prolonge, les questions autour de la scolarité peuvent être la source d'inquiétudes pour le bien-être de son enfant (qu'on aurait eu sous une autre forme, en restant en France !). Leur terre d'adoption sera peut-être ni la France, ni la Grande- Bretagne : ils seront peut-être de grands voyageurs...ou pas.
                *

20 commentaires:

  1. C'est très très intéressant, merci pour ton point de vue! J'avais tendance à voir les bons points mais pas trop les mauvais...;o)

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    1. Ravie de voir toutes ces réactions.
      C'est juste un peu de boulot pour les parents...Tu verras si tu fais ce choix un jour !

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  2. C'est vrai que ça n'a pas l'air facile au quotidien mais je pense que plus tard ce sera pour eux un avantage extraordinaire! A la maison on parle surtout français, un peu anglais (mon mari est malaisien donc parle cantonais, anglais et français) et un tout petit peu chinois. On regarde tout systématiquement en V.O et mon fils de 3 ans comprend tout même s'il parle surtout français. Mes 2 grands ont toujours vécu en entendant beaucoup d'anglais à la maison, ce qui leur a valu d'excellentes notes en collège et lycée.C'est encore autre chose quand les enfants vivent dans un autre pays que leur pays de naissance mais je pense qu'au final, ce sera très positif culturellement et linguistiquement. Bisous, bon dimanche !

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    1. merci pour ton commentaire, je vois que tu es dans un bain "multiculturel" toi-aussi. C'est intéressant de voir dans une fratrie, les enfants n'évoluent pas tous de la même manière. Il y a ceux qui "accrochent" plus avec une langue et une culture qu'un enfant d'une même famille.

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  3. Super intéressant ton témoignage !
    Moi j'ai tendance à ne voir que les bons côtés mais c'est peut-être parce que mon amour de l'anglais et de la culture anglaise m'aveugle !
    Antoine a offert à la grande l'histoire de France en BD, histoire de ne pas comme tu dis, savoir plus de choses sur l'Inde que sur la France ! Ils lisent ça ensemble et ça leur plait beaucoup. J'essaie aussi de glisser des classiques français dans leurs lectures, Petit Prince, Comtesse de Ségur par exemple (peut-être que Jeanne est encore un peu jeune pou cette dernière mais tu peux lui lire).
    Je trouve parfois que nous passons trop de temps en France en vacances, mais peut-être qu'en effet c'est bénéfique pour les enfants de passer pas mal de temps avec la famille française, non seulement d'un point de vue affectif bien sûr, mais aussi pour ce qui est de la langue et des références culturelles.
    Je suis sûre que tout ça va très bien se décanter au fil du temps. Bonnes vacances à vous !

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    1. C'est drôle de voir que tes filles n'ont pas ce problème de l'assiduité au français, j'y pense souvent et je me dis qu'elles auront tout le temps de "rattraper" leur classe d'âge (avec leur année d'avance, elles ont une petite marge en plus !). Très bien cette BD je vais regarder...Amuse toi bien cette semaine !

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  4. Je suis désespérée par l'image que tu as de la maternelle ;-) ! Et pour y avoir enseigné, je peux t'affirmer que toutes les maîtresses ne sont pas d'affreuses "sorcières" ne cherchant qu'à écraser les enfants ! Nous aussi nous pouvons faire des projets ludiques, nous aussi nous pouvons offrir des moments de phonologie en s'amusant... D'ailleurs, les notes dont tu parles ne sont pas toujours présentes de manière aussi stricte... En élementaire maintenant, je ne note pas tout, je fais repasser les évaluations qui seront dans les livrets afin de valoriser les enfants...

    Pour les émissions à regarder pour Jeanne et Martin, tu peux revoir sur le site de France 5, "On n'est pas que des cobayes :" ; une émission scientifique où l'on répond à des questions telles que Peut-on faire un chateau de sable géant ? Comment éplucher un oignon sans pleurer ? Qui du cheval ou de la voiture peut dire le plus lourd paquet ?

    Je suis heureuse que vos enfants se soient si bien intégrés et espèrent que vous trouverez le bon équilibre dans le mélange de culture !

    Biz

    ML



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    1. Je sais bien qu'il y a de très bons projets dans certaines écoles ! Merci de me le rappeler ! J'aimerai parfois regarder des émissions en rediffusion mais elles ne sont pas accessibles en dehors de la France..."C'est pas sorcier" aussi, mais toujours le même problème, il faudrait que je les achète en DVD...Par contre, les livres, je me régale quand je vais à la FNAC pour découvrir les parutions pour jeunes lecteurs (Jeanne ne lit pas encore avec avidité...)Bisous et bonne semaine

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  5. Passionnant, merci pour cet article : je trouve toujours cela très éclairant que quelqu'un mette des mots sur ces perceptions si complexes de la rencontre de deux mondes.
    @ Delphine : la Comtesse de Ségur, excellente idée ! Et il n'est pas trop tôt ! J'adore l'idée de l'Histoire de France en BD... pour moi ! Tu as la référence exacte ?

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    1. Tu verras pour ta fille, quelle langue lui sera la plus naturelle ! Tout dépend de là où elle ira à l'école. Elle doit être inscrite maintenant !?

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  6. Je reste néammoins convaincue que c'est une belle opportunité pour eux que j'aimerais beaucoup offrir à ma fille ....

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    1. Oui bien-sûr, on trouve qu'ils ont une chance énorme de parler deux langues. Mais quand on entend qu'ils font plein de fautes dans leurs phrases en français, il faut être patient !
      Je pense souvent qu'on est bien trop exigeant avec nos enfants...

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  7. J'ai bien rigolé sur "easy peasy lemon squizzy"!!!! bon je te rassure sur 2 points mon fils dit aussi ils sontaient... et ma fille irait volontiers à l'école sans manteau par -5!
    Il y a certes des côtés positifs et négatifs des 2 côtés de la Manche, le principal étant de profiter de vos années en vous rassurant sur le fait que cette expérience est forcement une richesse.Bises. Corinne

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    1. Oui il faut voir le bon côté des choses, c'est surtout une chance, mais j'ai voulu souligner que ces enfants-là peuvent avoir besoin d'un "système" scolaire adapté à eux. Ici, certains français ayant choisi l'école anglaise sont obligés de changer d'école, car le double cursus est une trop grosse charge. Tu verras avec les tiens !!!!!

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  8. coucou, alors voilà un sujet qui me passionne. Je suis expat en Hongrie depuis 2 ans et demi et maman de deux enfants, une fille de 6 ans et un garçon de 3 ans. Ma fille est scolarisée à l'école française car nous savons que nous rentrerons en France après et elle faisait son entrée en cp à Budapest. Elle apprend le hongrois et l'anglais aussi bien mieux qu'en France (le niveau d'anglais est très bon dans les écoles françaises à l'étranger). Mais ces langues restent des langues étrangères pour elle.
    Mon fils est allé à la crèche hongroise et il va à l'école hongroise (privée qui a une assistante qui parle anglais). Il comprend parfaitement le hongrois et le français mais parle très mal l'une ou l'autre langue. Bon, il est encore petit, donc je n'ai pas trop d'inquiétudes.
    Mais bon, je me pose encore plein de questions car nous repartirons en France dans un an et demi certainement et finalement je ne suis pas sûre que ça leur apportera beaucoup de choses. Et quand je vois le milieu d'expat où les enfants parlent parfaitement anglais car ils ont eu la possibilité de l'apprendre, je trouve que c'est une chance, qui n'aura pas duré assez de temps pour mes enfants. Mais c'est comme ça ...

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    1. Merci Lilibulle, je suis heureuse d'être lue jusqu'en Hongrie ! Ce que les enfants conservent de leur seconde langue au retour en France est assez difficile à généraliser. Il y a ceux qui ont appris la langue à l'écrit et qui la pratique encore dans un club ou même ont la chance de poursuive leur scolarité en anglais (Ecoles internationales). D'autres parents prennent des nanny anglophones, font regarder la TV en anglais...Ils gardent une richesse de cette expérience, une facilité à apprendre une langue (mais avec le Hongrois...quelles opportunités trouver pour poursuivre ?!. Comme le disent les commentaires ci dessus, c'est surtout l'expérience en dehors de son pays de naissance. Ici, j'ai un copain qui l'a fait petit, et qui est parti en tant que père de famille avec ses enfants.
      Peut-être repartiras-tu ? Il paraît que quand on a commencé, on ne peut plus s'arrêter !!!

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  9. Great update Claire! I'm always interested in hearing the differences between the two countries :) And two languages is something we've been thinking about quite a bit...I have no doubt that Henry will pick up French very quickly once he starts school, and we're counting on him being more fluent than us! I think it will be a challenge to keep up the English if he only hears it at home. But I am inspired by the many kids I've seen at school who are bilingual or more, and I'm sure we'll figure it out.
    All the best :)

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  10. It's nice to hear from you and Henry ! Yes, I'm sure you'll be very proud of his french ! But once he will start mixing the 2 languages or show a preference, you may have to face some strange feelings ! The great thing for us is that the school is very international and they are not too different from their friends. At that age, all you want to be is like everyone !

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  11. Ca me rassure ce que tu dis. Mon fils a 3 ans et ne va pas encore à l'école. On vit entre Paris et Londres. Maman parle en Français et Daddy en Anglais et toddler en Franglais! " Je mets on les chaussures white!" problèmes entre le féminin et le masculin... Pour How old are you?, il dit "Comment t'as quel âge?" Les collègues français de chéri qui sont établis à Londres me disent que le démarrage est difficile par rapport au monolingue puis tout se passe bien voir mieux. Ce que je note c'est que ces gamins ont énormément de vocabulaire!

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    1. Avec un papa anglais, vous avez des responsabilités "partagées" pour transmettre votre langue et votre culture. Nous n'avons pas toujours les "clefs" sur cette terre anglaise, et nos enfants nous reprennent sur les mots ou les accents incorrects...On essaie d'approfondir certaines notions à la maison, au quotidien, lire l'heure dans une langue n'est pas dit de la même manière dans l'autre, connaître bien les chiffres comme "70" "80" "90", c'est parfois plus facile pour eux en anglais; ne cède pas à la langue dominante !

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